Décryptage de son interview face à Gilles Bouleau, 20H TF1 du Jeudi 22 mars 2018

Lever de rideau ! Les lumières s’allument, Nicolas Sarkozy entre en scène, il est en direct face à Gilles Bouleau, il met toute sa compétence dans cet interview pour soigner son image récemment écornée dans la presse suite à sa mise en examen dans l’enquête sur les soupçons de financement libyen de sa campagne en 2007. Pour y parvenir il joue un rôle et un personnage, comme au théâtre… Comme c’est bizarre… Et il va raconter une histoire, comme au théâtre…Comme c’est bizarre… Vous commencez à comprendre pourquoi cette métaphore du théâtre et de la communication est particulièrement adéquate. Et vous n’avez encore rien vu. 

La stratégie de Nicolas Sarkozy est claire, dès le départ 2’14, il affirme sa posture d’ « indignation » c’est le rôle qu’il va jouer. Le personnage qu’il a décidé d’incarner ce soir là c’est celui de l’ancien chef de l’état « ni au dessus ni en dessous des lois ». C’est dès la première question, une question ouverte, qu’il profite pour clarifier cette position, ce rôle et ce personnage. 

 

Dans la suite de l’entretien, avec ce rôle et ce personnage qui ne le quitteront jamais, il apporte une histoire, un scénario, lisible lui aussi : c’est l’histoire d’un ancien président de la république jamais condamné garant de la fonction présidentielle, face à une bande de criminels sans preuve qui mettent en danger cette fonction chère aux français. Il va raconter cette histoire  par chapitre tout au long de l’entretien. 

  • « La Bande »

L’objectif n°1 et sans doute le plus complexe est de faire passer le message que face à lui il y a une bande de criminels dont le chef était Kadhafi. Aussi il parle très vite de Kadhafi, il commence dès 6’30 : « La bande de Kadhafi » et cela va se poursuivre par énumération de noms d’oiseaux mettant tout ses détracteurs dans le même sac, jusqu’à la 20ème minute où Nicolas Sarkozy marque un temps d’arrêt et peine à dissimuler sa satisfaction lorsque Gilles Bouleau dit : « Cela veut-il dire que tous ces personnages troubles mentent tous ? ». C’est gagné !  Le message est passé : il s’agit bien d’ «une bande de criminels ». Nicolas Sarkozy se permet même d’enfoncer le clou pour achever cette partie de l’histoire en répétant : « Il est le beau-frère, il est le fils de Kadhafi, le troisième est le cousin, Takiedine a été biberonné à l’argent de Kadhafi ». Le téléspectateur sait maintenant que face à lui y a une bande de criminels. 

  • « Pas de preuve »

Débute alors le second temps de l’histoire : « il n’y a pas de preuve, il n’y a pas le moindre début d’une preuve » « Ces gens la qui sont des assassins des délinquants, des criminels ne produisent aucune preuve » « Il n’y a pas la moindre preuve »… Une fois ces deux messages passés : il est face à une bande de criminels qui n’ont pas de preuve. 

  • La fonction de président est attaquée

Nicolas Sarkozy n’a plus qu’à confirmer le rôle et le personnage qu’il a interprété tout au long de l’entretien. A partir de la 23ème minute il martèle : « On met un ancien président de la République, c’est la France, c’est la fonction, au même niveau qu’une bande d’assassins et d’escrocs, condamnés pour cela. » « Ca me prendra un an, dix ans, je pourfendrai cette bande ».  «Je suis blessé au plus profond de moi même pas pour moi, mais pour notre pays, pour la fonction que j’ai exercé notre pays… 

L’histoire est terminée, l’ancien président défend la fonction présidentielle face à une bande de criminels qui n’ont pas de preuve : le message est passé, la pièce est jouée et que l’on aime ou n’aime pas Nicolas Sarkozy, que l’on soit d’accord avec lui ou non, son jeu d’acteur principal fut brillant. Il se permet même de résumer son histoire à la fin de l’interview après avoir été remercié par Gilles Bouleau : c’est du grand art ! Vous voyez, c’est du théâtre ! 

Applaudissements s’il vous plaît ! 

Sébastien Pouquet.